Hommages : la tradition discontinue

Ce que dit l'éditeur

L'accent mis dans ces différents textes sur la différence des temps est là pour rappeler que si l'art moderne a trouvé dans le musée son site naturel, depuis Manet écrivait Foucault, il s'agit aujourd'hui d'échapper à la fiction patrimoniale qui ferait de nous des héritiers naturels de toute la culture mondiale. Tout simplement parce que la tradition est rompue, ruinée dans sa continuité. Or, ce qui importe dans la relation d'hommage, si souvent essentielle, comme le montre l'exposition du Musée de Picardie à Amiens, dans la peinture contemporaine, c'est qu'elle conjugue paradoxalement la tradition et la discontinuité. Car, il y a des segments de tradition, l'artiste contemporain est une sorte de prophète qui regarde en arrière. Ce que n'était pas l'artiste des avant-gardes, le <> très oedipien. L'oeuvre (peinture, architecture, poésie, photographie) change alors de nature. Son exposition, son public aussi.

Pourquoi l'art contemporain peut-il être contestable ? La réponse pourrait être : parce qu'il se prend pour l'art moderne, c'est-à-dire pour l'art autonome, autotélique, alors qu'il est soumis en fait à une nouvelle loi, hétéronome, qui lui prescrit de sauver le passé.

S'il y a une temporalité de l'art du fait du Musée, grâce à la suspension, à la déprise, elle réside dans une mise en correspondance effective d'oeuvres ayant eu des destinations hétérogènes, et cela à des époques complètement éloignées, pour des aires géographiques sans communauté. Le musée est la communauté des oeuvres sans communauté où il est quelquefois possible, l'espace d'un instant, qu'un segment non imaginaire puisse relier des oeuvres en apparence totalement étrangères, de la même manière que pour le révolutionnaire toutes les révolutions du passé sont co-présentes dans son attente.