Du nom au nous

Ce que dit l'éditeur

«Se trouvent ici réunis sept essais échelonnés sur la décennie 1985-1995, sélectionnés parce qu'ils esquissent un tournant dans ma réflexion sur l'art, un tournant dont le tâtonnement est sensible et l'issue incertaine mais dont le sens est une interrogation, pessimiste mais militante, sur l'avenir de l'art.

J'étais plutôt content et même fier, en 1985, d'avoir produit une théorie de l'art qui n'ait aucune valeur prédictive ou normative, et qui ne soit d'aucun secours ni pour l'artiste ni pour le critique d'art qui tente d'évaluer au présent l'art qui se fait autour de lui. Mais j'étais très démuni. C'est justement quand on part démuni, ce qui est tout le contraire de désenchanté, qu'on peut vivre les fins comme des débuts. Et quoi de plus démuni que la situation de l'amateur d'art, de l'amoureux qui juge non à partir d'une théorie ou d'un projet historique mais à partir de son sentiment et de son dissentiment ?

Cet amoureux disait : «l'art, c'est tout ce que je nomme art», parlant en son nom personnel, mais pas tout seul. La phrase «ceci est de l'art» est une phrase adressée, elle est, disais-je à l'époque, l'appel à l'assentiment d'autrui. Quand autrui acquiesce, «je» fait place à «nous». Du nom au nous, retrace l'émergence progressive du thème du nous dans ma réflexion sur l'art depuis 1985.»