De la perspective : pour une histoire de l'image projective

Ce que dit l'éditeur

De la perspective : Pour une histoire de l'image projective.

La peinture est née, selon le mythe antique, des mains d'une jeune fille qui a suivi, avec un morceau de charbon de bois, le contour de l'ombre de son bien-aimé projetée par le soleil sur un rocher. Cette fable nous enseigne que l'image d'un objet à trois dimensions est le résultat de la projection du contour apparent de cet objet sur une surface à deux dimensions.

La nature projective de l'image ainsi conçue est un des caractères exclusifs de la civilisation gréco-latine.

La procédure optique et géométrique appelée perspective, permettant d'obtenir à partir d'un point de vue déterminé l'image d'un objet à trois dimensions sur une surface à deux dimensions, a été mise au point au quinzième siècle en Italie : c'est vers 1415 à Florence qu'elle aurait été inventée. La perspective allait devenir, appliquée au dessin et à la peinture, puis continuée par la photographie et le cinéma, un des modes d'expression privilégiés de l'art occidental. L'infinie variété des oeuvres produites par les dessinateurs, graveurs, peintres, sculpteurs, décorateurs de théâtre, architectes, photographes, cinéastes et vidéastes du quinzième siècle à nos jours illustre l'efficacité du système. La perspective a été en même temps un des moyens spécifiques de la connaissance scientifique : le concept de point de vue susceptible de se déplacer infiniment dans un espace et un temps mesurés est en effet commun à toutes les sciences d'observation, à l'astronomie copernicienne et galiléenne en particulier, ainsi qu'à la géométrie dans l'espace, pour l'étude des propriétés projectives des figures entre autres.

En affirmant la relativité du point de vue dans un espace infini, homogène et isotrope, et en supposant la discontinuité du temps, la perspective a suscité beaucoup d'inquiétude et d'hostilité. L'usage aujourd'hui mondial de l'image projective, aussi bien dans les activités artistiques que dans la recherche scientifique et ses applications techniques, atteste son succès.

Cela donne tout son sens à la surprenante prophétie de Léon Battista Alberti, que l'on peut lire dans la version en langue toscane de son traité De pictura, en 1436 :

« ... mais notre renom ne sera que plus grand si, sans maître et sans exemple, nous inventons des arts et des sciences dont personne n 'avait entendu parler et que personne n 'avait vus ».