Simmel et les normes sociales : actes du colloque Simmel, penseur des normes sociales, Paris, 16 et 17 décembre 1993

Ce que dit l'éditeur

Par-delà les projets singuliers, les interactions conflictuelles et le désenchantement chronique, «comment la société est-elle possible ?» s'interroge Simmel au tournant du siècle dernier. Il en analyse l'avènement et la reproduction à propos du phénomène urbain, des relations de travail et de la légitimité monétaire et il élabore, pour ce faire, des catégories permettant d'expliquer l'émergence des normes collectives qui préservent cependant toujours les singularités individuelles.

Des historiens, des sociologues, des économistes entreprennent d'évaluer l'apport de la dialectique simmelienne entre aliénation et liberté dans notre contexte contemporain de crise des valeurs. Ils découvrent qu'elle possède des vertus prémonitoires à un triple niveau : l'omniprésence de l'autre dans toutes les représentations du sujet et la tendance générale à réinstaurer le primat des affects sur le calcul ; l'inter-nationalisation du système et son changement d'échelle annonciateur d'un retour au primat de la société civile sur les organisations étatiques ; les menaces suscitées par un progrès matériel incontrôlé et la redécouverte du primat existentiel, avec sa quête d'identité et de liberté.

Une telle démarche implique une conception particulière du sujet et de sa relation à la société. L'œuvre de Simmel apparaît ici comme un ensemble d'avertissements pour notre actuelle modernité : le sujet est divisé par nature et c'est plutôt l'inverse qui serait pathologique ; le social est un processus collectif plutôt hétérogène, du fait que la particularité de l'acteur prime toujours sur la fonctionnalité de l'agent ; le résultat global a toute chance d'être chaotique car c'est la contingence qui est plutôt de règle dans cette vision de la société. Pour en rendre compte, le cercle auto-référentiel de l'économie ne suffit pas davantage que l'évocation d'institutions chargées d'en réguler les normes. Car la société n'est pas rendue possible par les seuls échanges de marchandises et d'informations ; elle met en œuvre aussi des volontés de domination.