La philosophie pratique à l'époque de l'ontologie fondamentale : le dialogue de Heidegger avec Kant

Ce que dit l'éditeur

Cette recherche tente de possibiliser et de légitimer la présence d'une philosophie pratique à partir de la lecture critique par Heidegger de la philosophie théorique et pratique Kantienne. Cependant, la présence d'une telle possibilité, même si elle s'avère envisageable, ne va pas sans problème dans la mesure où Heidegger, en dépit de l'apport kantien, continue à affirmer sa distance par rapport à toute philosophie pratique en général et à la philosophie pratique de Kant en particulier. Autrement dit. Heidegger est loin d'affirmer vouloir élaborer une philosophie pratique au sens traditionnel. En revanche, si Heidegger continue à se montrer méfiant et même hostile à l'égard des philosophies pratiques d'Aristote, de Kant et de Fichte, il n'affirme pas moins que la Tat-Handlung (à l'inverse de la Tat-Sache) est le point de départ de toute philosophie digne de ce nom, ou bien qu'en tant que résolu, le Dasein de l'homme agit déjà.

Ceci nous montre que Heidegger ne s'interdit nullement d'inscrire l'ontologie fondamentale qu'il élabore dans Sein und Zeit (Etre et Temps) dans la praxis. Ainsi le Dasein (être-là de l'homme) apparaîtra-t-il comme un étant qui agit en tant qu'«avoir-à-être» (Zusein), «devoir-être» (Seinsollen), c'est-à-dire «pouvoir-être» (Seinkönnen). Voilà pourquoi les existentiaux du Dasein de l'homme que Heidegger décrit dans Sein und Zeit se sont révélés simultanément comme des «manières d'être» (Seinsweisen) et des «manières d'agir» (Handlungsweisen). Et en conséquence, la nécessité d'une relation possible qu'il entrevoit entre éthique et ontologie dans Brief über den Humanismus (Lettre sur l'humanisme) rencontre un sens dans cette disposition praxéologique qui le caracterise déjà manifestement à l'époque de l'ontologie fondamentale.