Une vie marrane : les pérégrinations de Juan de Prado dans l'Europe du XVIIe siècle

Ce que dit l'éditeur

Portugais né vers 1612, le Dr. Prado, après des études à l'université d'Alcalá de Henares, se fait cryptojudaïsant militant en Andalousie. Mais en 1652, las des poursuites inquisitoriales, le médecin s'exile à Rome, au service du cardinal Pimentel, puis à Hambourg et enfin à Amsterdam, métropole de la diaspora séfarade occidentale. Là, son déisme de jeunesse renaît tandis qu'il sème la zizanie auprès de ses coreligionnaires et côtoie d'autres érudits tels le jeune Baruch de Spinoza. Mis au ban de la congrégation, Prado songe à la fois à s'opposer aux préceptes rabbiniques et à rester au sein de la communauté. À Anvers où il meurt en 1669, jamais Prado ne se défait du doute, cherchant tant le pardon des juifs que celui de l'Inquisition espagnole.

Ses pérégrinations exemplaires permettent ainsi d'analyser un cheminement culturel spécifique que d'autres ont effectué dans l'ombre, celui du nouveau-chrétien, devenu marrane puis nouveau juif, qui se construit une identité trouble. Dépassant le clivage entre histoires ibérique et juive, on peut y lire la particularité du marranisme et de la spiritualité séfarade. Prado est toutefois singulier : philosophe libertin, doué d'une pensée élaborée, il tente, tout au long de son existence, de comprendre le rapport à Dieu et aux textes, jusqu'à postuler un judaïsme culturel et identitaire plutôt que religieux. Figure déconcertante, passeur de frontières qui persiste à demeurer dans les marges et symbole d'une laïcité avant la lettre, il incarne la continuité d'une culture européenne où les hétérodoxies ignorent les frontières.